Année de la sortie de Les Révoltés du Bounty de Frank Lloyd mais aussi du film Le Corbeau de Lew Landers, 1935 est également une période d’oppositions fortes au quatre coin du monde. Entre colonialisme et fascisme, l’Allemagne adopte Les Lois de Nuremberg qui discriminent sauvagement une partie de leur population en fonction d’une ethnie et Mussolini signe Les accords franco-italiens de Rome, acceptant une partie des territoires africains occupés par la France en échange d’un soutien clair de l’Italie lorsque l’armée allemande débutera son offensive… C’est dans ce climat troublé que des cinéastes offrent de nombreuses pépites du cinéma fantastique mais aussi des drames poignants sur les conditions sociales de leurs pays. Entre La Marque du vampire de Tod Browning, Le Bonheur, un film soviétique d’Alexandre Medvedkine et Sazen Tange, le pot d’un million de ryôs, le premier film de samouraï de Sadao Yamanaka, Ozu signe encore un drame social avec Une Auberge à Tokyo.
La Fiancée de Frankenstein aka Bride of Frankenstein
(James Whale, 1935)
Réalisé quatre ans après Frankenstein et toujours réalisé par James Whale, La Fiancée de Frankenstein en est la suite directe.
Whale avait engendré immédiatement un classique du genre avec son premier opus mais là, force est de constater qu’il place la barre un cran au-dessus, voire même plusieurs. D’une beauté à couper le souffle, ce film est une vraie ode à la poésie fantastique, avec en fond une histoire d’amour macabre entre deux créatures qui ne peuvent pas ressentir d’émotions humaines, du moins au sens propre où nous l’entendons. Car amour il y a, mais dans l’incompréhension, dans un état de non-vie.
Véritable métaphore sur les différences, La Fiancée de Frankenstein est et demeurera à jamais au panthéon du cinéma fantastique.
Les Mains d’Orlac aka Mad Love
(Karl Freund, 1935)
Réalisé par Karl Freund, nous pouvons d’entrée de jeu dire que nous tenons là un film d’une puissance très forte.
Gogol, un chirurgien réputé pour les greffes, s’éprend d’Yvonne, une actrice de théâtre. Malheureusement pour lui, elle s’est tout récemment mariée à Stephen Orlac, un célèbre pianiste. À l’issue d’une tournée musicale, il doit rejoindre son épouse à Paris mais le train dans lequel il se trouve déraille. Il survit à ce drame mais perd l’usage de ses mains. Yvonne demandera au professeur Gogol de venir en aide à son mari. Celui-ci greffera les mains d’un condamné à mort, Rollo.
Ce film, n’ayons pas peur de le dire, repose entièrement dans l’interprétation de Peter Lorre dans le rôle de Gogol. Une interprétation magistrale où il mêle la folie, superbement jouée, avec un soupçon de tristesse. Par amour et étant rejeté, il se livre aux pires exactions. Cette folie ira crescendo jusqu’au final glaçant où des voix imaginaires dicteront à Gogol les pires choses.
Concernant le pouvoirs des mains greffées qui auraient leurs propres vies autonomes, le doute subsistera. Véritable emprise ou force de suggestion ? La question se pose.
Une film court (1h 07) mais qui est une véritable pépite à découvrir !
L’Étudiant de Prague aka Der Student von Prag
(Arthur Robison, 1935)
Arthur Robison réalise là un film puissant, mêlant toute une palette d’émotions.
Balduin, un étudiant sans le sou, tombe amoureux de Julia, une cantatrice se produisant au théâtre de Prague. Mais dans l’ombre veille un homme mystérieux, Capri, incarnation du mal sous les traits du diable. Il proposera un marché à ce jeune homme lui permettant de conquérir le cœur de sa bien-aimée, mais à quel prix ?
Tous les sentiments humains sont mêlés de manière extraordinaire dans ce métrage. L’envie, la jalousie, le bonheur, la tristesse sont merveilleusement retranscrits. Mais le thème prépondérant de ce film est un questionnement. Que serions-nous prêt·e·s à faire et à sacrifier pour obtenir le bonheur ? Balduin, lui, perdra son reflet qui est une métaphore de la perte de l’âme.
La scène finale, en quelques plans, montre toute l’étendue de la folie et de la déchéance de Balduin. Le cinéaste Arthur Robison maîtrise parfaitement ses séquences pour nous procurer un sentiment de tristesse pour cet homme sombrant dans une folie, folie liée à l’amour et à ses erreurs. Une œuvre forte et puissante qui mérite d’être découverte !
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