Midnight Silence, premier film de Oh-Seung Kwon est une réussite pour une première réalisation. Ce thriller coréen, sorti en France en 2022, met en scène une jeune femme sourde-muette du nom de Kyung Mi qui croise un tueur en série du nom de Do Shik dans une ruelle nocturne de Séoul. Vint alors un jeu du chat et de la souris avec un tueur jusqu’au-boutiste.
Concernant la forme, les techniques artistiques rendent le film magnifique esthétiquement parlant mais également stressant. Le clair-obscur de la nuit et des éclairages des ruelles rendent la photographie somptueuse mais lorsque le tueur s’accapare de cet environnement pour avancer dans l’ombre afin de poursuivre les victimes, la beauté des plans devient lugubre. L’utilisation du travelling lors d’une course poursuite est ingénieuse car cela permet de rendre la scène sous tension. La caméra avance au même rythme qu’à l’allure de la victime et de son assaillant. Elle zoom lorsque l’un accélère puis dézoom lorsque l’un d’eux ralentit. Autant les protagonistes que le public sont essoufflé·e·s par cette tension.

Que le réalisateur Kwon Oh-Seung introduise des personnages sourdes-muettes telles que Kyung Mi et sa mère est une bonne idée de mise en scène car cela permet au public de s’immerger facilement et totalement dans le film grâce aux effets sonores.
Brutalement, le son peut être coupé un certain laps de temps pour que l’audience centre son attention sur l’héroïne sourde dans le but de se mettre à la place de celle-ci.
Cependant, ce son coupé de manière radicale rend certaines scènes stressantes, plus précisément lorsque la victime tente en vain de se cacher et que le bourreau la suit de loin sans qu’elle s’en rende compte. Le public est omniscient, il voit – presque – tout avant la victime car elle a un « sens » en moins et donc cela l’isole du monde. Elle a difficilement des coups d’avance. Sa surdité est un handicap, surtout lorsqu’un psychopathe rôde dans le coin et qu’elle cherche à trouver une issue. Le prédateur a un avantage sur la situation car il entend les gestes de la victime sourde alors qu’elle-même n’entend pas les bruits qu’elle émet en agissant. Elle est mise en infériorité face à lui. De même pour le fait qu’elle soit muette : demander de l’aide est compliqué lorsque l’on est muette. Les policiers ne comprennent pas ce que Kyung Mi et sa mère tentent de faire comprendre, ils n’essaient même pas. Il n’y a pas que ces protagonistes qui échouent à créer du dialogue et résoudre l’affaire, tou·te·s les citoyen·ne·s de Séoul réagissent mal face aux handicaps dans ce film.
Cependant, la victime n’est pas isolée à 100% du monde car elle est accompagnée de sa mère. Elles se comprennent dans leur handicap et forment une équipe, elles s’entraident. Tandis que l’assasin est seul. Seul à penser, à réfléchir et à trouver des stratégies pour arriver à ses fins.
Bien que le son soit un symbole dans le film, la lumière l’est également.
Quasiment tout le métrage est joué durant la nuit. Le son et la lumière ont leur importance dans le film car dans cette ville, il existe des alarmes reliées à un poste de police. Lorsqu’une alarme est enclenchée, elle fait un bruit d’enfer et une lumière éclaire la rue dans laquelle l’interrupteur de l’alarme est installé. Le tueur s’éloigne alors pour ne pas se faire arrêter par la police mais il reste tout de même caché à proximité car il ne lâche rien. Ce système est ingénieux pour la survie de chacun·e.
Finalement, on pourrait se questionner sur la condition humaine : pourquoi tuer ? On ne connaît pas les motivations du criminel à tuer si ce n’est que par plaisir puisqu’on observe ce détail sur ses lèvres : un rictus ou un rire. Nous ne connaissons pas non plus ses pensées, il communique très peu avec les protagonistes.
Oh-Seung Kwon signe ici un thriller captivant et oppressant.
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