Réalisée en 2023 par Shinobu Tagashira, Junji Ito Maniac nous offre des histoires étranges, des légendes urbaines dérangeantes et des contes gores sortis de l’imaginaire fertile et lugubre de l’un des maîtres japonais de l’horreur, Junji Ito. Le Studio Deen adapte une vingtaine de récits du célèbre mangaka en 12 épisodes, parmi lesquels on peut trouver Tomie, Soïchi ou encore La Femme qui chuchote. Entre body horror, détresse psychologique, malédictions et histoires de fantômes, cette anthologie signe le retour magistralement terrifiant de l’artiste, créateur de Uzumaki et Gyo, dans le monde de l’audiovisuel.

Tomie revient dans son épisode avec les photographies et Soïchi est toujours aussi insupportable, cherchant à rendre fou son frère avant de transformer le chat de la famille en bête féroce. La série nous entraîne dans plusieurs formats courts, voire très courts, pour le meilleur comme le pire. Une famille de dégénéré·e·s faisant du spiritisme pour contacter les défunt·e·s parents, une mystérieuse ville emplie de pierres tombales, des cheveux maudits à la Exte, de gigantesques ballons en forme de tête humaine qui recherchent leur sosie afin de les pendre, un professeur d’art connu pour ses sculptures sans tête retrouvé mystérieusement décapité dans son atelier…. Autant de synopsis déroutants qui nous plongent dans une horreur originale, une fantasmagorie nippone qui frôle le gore, alterne entre le folklore et le grotesque et sublime l’étrange. Entre huis clos familial suffoquant et atmosphère foraine (Les Ballons aux pendus et Ice cream bus en tête), écoles et randonnées ne sont pas épargnées pour accueillir une horreur à la fois quotidienne et sournoise. Des objets vivants tels certains yôkai du folklore nippon, une secte nyūjō ou encore une dimension parallèle, l’élément fantastique mis en lumière par Junji Ito va accentuer la cruauté des enfants et la lâcheté des adultes dans une explosion sanglante.
Inspiré par son folklore natal ainsi que par l’indicible de Lovecraft, Junji Ito offre des mésaventures perdues d’avance où le mal quel qu’il soit ne s’arrête pas avant d’avoir dévoré son objet de convoitise. La folie qui s’y dégage détruit tout sur son passage comme une malédiction, un tatari purement nippon, assoiffée de sang et de souffrance. Serial killer psychopathes, fantômes vengeurs, créatures indéfinissables et jalousie dévorante font ressortir la frustration des un·e·s et les secrets de famille des autres. L’horreur de Junji Ito est enfouie au plus profond de ses protagonistes et de ses lieux de prédilection dès le départ, elle ne fait que se réveiller dans un climax d’effroi et de violences psychologiques ou physiques. Bien que le format court et le rythme dynamique de l’animation du Studio Deen ne permettent pas la même plongée sinistre qu’une lecture des planches du mangaka, Junji Ito Maniac n’en reste pas moins une série anthologique réussie, sublimée par une BO assez anxiogène de Yuki Hayashi.
Junji Ito, reconnu hors des frontières de son archipel, comme maître de la terreur s’exportait déjà depuis quelques années avec les éditions Mangestu, diffusant ses mangas en France depuis 2021. Il sera d’ailleurs l’invité d’honneur lors de la 50e édition du Festival d’Angoulême, sous la direction de Stéphane du Mesnildot. Une exposition du doux nom de Dans l’Antre du délire revient sur son travail artistique. En attendant, la série Junji Ito Maniac est disponible sur Netflix !
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