Ebola Syndrome, quand l’humanité est le virus

On pourrait penser que les films de la catégorie III ne sont que des simples films d’exploitation, tournés avec trois francs six sous et sans aucune finesse artistique que ce soit au niveau de la mise en scène, de l’écriture ou bien de la profondeur des personnages. Toutefois, il est nécessaire de réviser une bonne fois pour toute une telle approche du cinéma hongkongais qui, on ne va pas se le cacher, regroupe un vaste ensemble de films aussi gores que subversifs au sein de cette catégorie III.

Parmi ces films qui ont marqué une génération entière de cinéphiles, il y a le très sulfureux Ebola Syndrome (1996) du cultissime Herman Yau (actuellement dispo sur Shadowz), qui distribue au sein du paysage cinématographique une énorme claque mais également un énorme vent de fraîcheur en cette fin de décennie trouble que sont les années 1990. Déjà dans les bouches de nombreux spectateurs et spectatrices avides de cinéma provocateur et à l’attitude carrément punk avec son plutôt bon The Untold Story (1993), Herman Yau repousse avec Ebola Syndrome les limites de ce qu’il avait accompli précédemment.

La première raison qui permet à Ebola Syndrome de partir sur une très bonne piste, c’est l’alchimie présente entre le réalisateur et son acteur fétiche, le très chaotique Anthony Wong. Dès les premières minutes du film, cette paire d’artistes annoncent leur postulat esthétique puisqu’on se retrouve face à une œuvre démesurément violente, sans concession, obscène portée par un Anthony Wong qui donne vie à personnage cristallisant tous les vices et les folies dont l’humain·e est capable. Kai San c’est la personnification même de l’homme chaotique et nihiliste au comportement autodestructeur, Herman Yu installe judicieusement une dualité entre son acteur principal, auteur de destruction et allégorie d’un abysse qui engloutit tout, même le moralement acceptable, et son public qui se veut le témoin atterré mais profondément curieux face à ces excès de violences.

C’est dans les 30 dernières minutes du long métrage que le paroxysme de la haine et celle du vice se regroupent en un cocktail explosif d’hémoglobine, ce qui n’empêchera pas d’ailleurs le public de constater une certaine finesse dans la tentative d’apporter une pointe d’humour noir au sein de ce carnage urbain. Ainsi, plus qu’un simple film de catégorie III, Ebola Syndrome se veut à la fois une œuvre provocante mais totalement assumée dans son propos social quasiment punk, tout comme l’approche nihiliste de ses personnages, ou encore la crasse tenace de sa mise en scène et sa photographie. Ebola Syndrome, c’est une boucherie purificatrice voire cérémonielle qui amène l’humanité à se questionner sur sa condition dans un monde dans lequel la misère et l’adversité, tout comme les vices animaux, gangrènent cette mégalopole de béton qu’est le monde.


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