Dès les premières minutes de Knocking (2021), le téléviseur d’un hôpital psychiatrique diffuse Persona (1966), le chef-d’œuvre d’Ingmar Bergman. D’emblée, on comprend que le film de Frida Kempff sera placé sous le motif de l’identité et de l’incommunicabilité. À la différence que Kempff n’est pas Bergman, et que vouloir se frotter au maître suédois entraîne immanquablement son comptant de comparaisons, dont Knocking souffre par excès de confiance.

Cependant, et si l’on fait abstraction de cet incipit dont la réalisatrice aurait mieux fait de s’affranchir, le film parvient à mettre en lumière l’un de nos fléaux contemporains les plus insupportables que représente l’absence d’écoute de la parole des femmes, tout en développant un propos plutôt pertinent sur la notion d’identité. Molly, interprétée par Cecilia Milocco, sort d’un séjour en hôpital psychiatrique suite à un violent trauma pour emménager dans un immeuble froid et sans âme que l’on croirait tout droit sorti du Buffet Froid (1979) de Bertrand Blier. Assez rapidement, elle entendra régulièrement des coups provenant de son plafond, jusqu’à se convaincre qu’une femme est retenue prisonnière chez son voisin du dessus. Hallucinations ? Véritables coups portés par une victime bien réelle ? Molly doutera, et le public avec elle, jusqu’aux ultimes secondes du film où la vérité éclatera dans un hors champ inattendu.
Le premier plan de Knocking, sublime de verticalité (le point de vue de Dieu ?), annonce le drame qui s’est joué dans la vie de Molly (la disparition tragique de sa compagne en mer). De nombreux flashbacks nous ramèneront en cours de métrage vers ce traumatisme originel dont l’héroïne ne parvient pas à se remettre. Cependant, bien que légitimant le questionnement identitaire de Molly, cet épisode dramatique alourdit inutilement le sujet essentiel du film en faisant peser sur ses épaules un trauma qui décuplera nos doutes quant à sa santé mentale. La puissance de frappe du propos de Frida Kempff eut été beaucoup plus fort et pertinent sans ce choix scénaristique qui charge inutilement la mule.

Cependant, et bien que mené par une protagoniste principale assez antipathique (son « hystérie » n’apporte rien au récit, bien au contraire), Knocking parvient à tirer son épingle du jeu grâce à une mise en scène extrêmement anxiogène, traduisant par l’image l’état intérieur de son héroïne. Gros plans, caméra harnachée au corps, plongées et contre-plongées, la maîtrise technique de la cinéaste est évidente et son talent de mise en scène indéniable. On ressent ainsi physiquement la peur de Molly, ses doutes quant à son éventuelle folie et l’isolement (architectural et relationnel) dont elle fait l’objet, dans un climat de claustrophobie où l’on évolue en apnée.
Enfin, et c’est là la grande force du film, il faudra attendre l’ultime minute du récit pour que soit révélé au public ce qui se passe réellement dans cet immeuble. Les doutes de Molly s’évanouiront avec les nôtres en une poignée de secondes où, en un plan fixe et un dialogue hors champ, la réalité ne se fasse jour. Les montagnes russes par lesquelles nous seront passé·e·s (folle ? pas folle ?) s’achèveront par une arrivée en douceur et un soulagement salutaire. À la question de savoir si des coups provenaient vraiment du plafond ou si Molly avait au contraire une araignée au plafond, Frida Kempff apportera une réponse de la plus inattendue des manières.
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