Rencontré sur la toile au gré de pérégrinations artistiques horrifiques, Blitz alias Blitz’Art est un artiste parisien, musicos de la première heure. Ses squelettes et autres créatures étranges renferment des symboliques, des rêves et des cauchemars… Entre un style BD cartoonesque et des ambiances surréalistes plutôt gothiques, Blitz nous entraîne dans son imaginaire à la fois sordide et attachant grâce à des illustrations à l’atmosphère presque burtonesque à mi-chemin entre horreur et fantasy.
Amateur de concerts sur scène ou parmi le public, Blitz est un vif passionné de musique, de culture et d’art en général. Bien qu’il lui faudrait un bon nombre de vies pour réaliser toutes ses passions à fond, c’est le dessin qui a peu à peu pris une place prépondérante dans ses occupations quotidiennes !
Créatures du folklore, squelettes et figures de l’horreur ont toujours été des éléments de mythes, de contes et d’histoires en provenance d’un imaginaire culturel débordant. Du poète Homère et ses gorgones aux zombies de Romero en passant par la plume de Mary Shelley, ces images décrites, écrites, gravées ou illustrées témoignent. Elles questionnent l’inconnu, l’inexpliqué, les effusions de violence et l’angoisse qui en découle mais, parfois, elles se veulent plus positives. Critique sociale, dédramatisation de la mort ou acceptation de la différence, ces allégories (caricaturales ou non) rappellent une vérité souvent oubliée : une fois la chair disparue, nous sommes tou·te·s à l’égalité.

Est-ce que tu dessines depuis longtemps ?
C’est une question que l’on me pose souvent, à laquelle je réponds avec facilité dans le sens où je dessine depuis le jour où j’ai été forcé de prendre le chemin de l’école.
Quel est ton parcours professionnel ou personnel qui t’a fait entrer dans le monde de l’illustration ?
Je n’ai justement aucune formation professionnelle ou même personnelle, je suis un autodidacte qui brode avec les erreurs, joue avec et en fait quelque chose d’assez identitaire du coup. Je pense que le fait d’être passé au travers des cursus de formation professionnelle m’ont sans doute fait perdre du temps, mais gagner en authenticité. Au final, je suis rentré dans le monde de l’illustration et du graphisme malgré moi. Une page Facebook s’ouvre, un Instagram, un entourage propice à la création, une communauté qui se forme, des idées qui fusent, des encouragements, et voici que je me mets à répondre à une interview pour parler de tout ça…
Et qu’est ce qui te pousse à dessiner ? Quelles sont tes inspirations ?
La première chose qui me pousse à dessiner, c’est le plaisir, le besoin d’exprimer une créativité, de mettre sur papier (ou n’importe quel support) des idées que j’ai en tête, qui hantent positivement mon esprit. C’est d’ailleurs pour ça qu’il est difficile pour moi de réaliser des commandes qui ne me parlent pas. Je dois mettre mes idées de côtés (et bien les noter !) afin de d’honorer un projet prioritaire.
En revanche, je peux être surpris par la proposition d’un projet qui va me sortir de ma zone de confort et me pousser à réaliser quelque chose que je n’aurai sans doute jamais fait, non pas par manque d’idée, mais par manque de recul. Mon univers fonctionne un peu comme un faisceau de lumière dans un tunnel sans fond. Plus j’avance, plus je découvre des choses, des idées, des envies, mais toujours dans une même direction créative. En terme d’inspiration générale, ma réponse risque de sembler facile, mais elle est pourtant honnête : la vie de tous les jours.
Je vois des personnages à la place des bornes à incendie, des regards avec différentes expressions sur les phares des voitures, vois des personnages et des visages dans les formes des arbres, je perçois des dragons dans les nuages… Un goût, une odeur, une image peut m’inspirer un dessin. Même les expressions françaises, les métaphores que je comprenais de façon imagée au premier degré lorsque j’étais plus petit, sont une source inépuisable de créativité pour moi aujourd’hui. J’utilise beaucoup ma mémoire photographique (et mon bloc-notes), la nuit est aussi un moment où mon esprit est très (trop) productif.
Pour ce qui est de l’inspiration humaine, j’ai plaisir à lire et entendre que mon style se rapproche de celui de Tim Burton. Je dirai que c’est plutôt le même univers, mais que nos coups de crayons ne se ressemblent pas tant que ça. Tim Burton a cette faculté de créer des personnages ainsi que des décors « bâtons », des traits qui vont droit au but afin d’exprimer une expression, une richesse de sens dans l’illustration, sans fioriture, et c’est ce qui fait tout le charme de son travail je trouve. Autant de fond que de forme. De mon côté, j’en suis presque incapable. Je me plais à ajouter des détails dans les détails, à travailler sur des formats A3 avec une pointe de 0.05mm, couvrir tous les espaces blancs et en laisser très peu afin de jouer à rendre l’obscurité plus sombre et ainsi rendre la lumière plus puissante, « que serait la lumière sans l’obscurité ? ». J’ai découvert la majorité des œuvres de Burton à force que l’on me dise que nos univers étaient semblables. C’est quand j’ai lu sa biographie et que j’ai appris des choses sur sa personnalité que j’ai un peu plus compris pourquoi nos univers étaient similaires. Je n’ai à ce jour, toujours pas vu la totalité de ses œuvres d’ailleurs.
Un artiste qui m’a donné envie, et dont je continue à m’inspirer, c’est Franquin. Pour moi c’est un extra-terrestre, je n’arrive pas à comprendre comment il est possible de retranscrire des expressions, des ambiances comme lui a pu le faire du bout de sa plume. Que ce soit dans Gaston Lagaffe ou dans Les Idées noires, il arrive à créer et réinventer des expressions sur les animaux par exemple, d’une telle précision… beaucoup d’artistes n’arrivent pas à reproduire ça même sur des dessins humanoïdes… c’est du pur génie.
Dans un tout autre registre, Derek Riggs, le dessinateur de la plupart des jaquettes d’IRON MAIDEN n’est pas étranger à la dose d’ésotérisme que j’aime subtilement cacher dans mes travaux. Gamin, je passais des heures à scruter chaque centimètre carré des livrets d’IRON MAIDEN. C’est d’ailleurs avec un plaisir non dissimulé que je me suis servi de ces souvenirs lointains comme référence pour réaliser l’Artwork complet du dernier album de MALEMORT, Château-Chimères.

Pourquoi dessines-tu des squelettes ?
Ça s’est fait de façon plutôt naturelle, je trouve amusant de croquer des squelettes et de dédramatiser avec la mort. C’est une façon comme une autre d’en rire, de mettre un peu de poésie sur la seule chose qui nous est impossible d’éviter lors de notre existence, peu importe l’être humain que nous sommes. De plus, les squelettes sont imbibés d’une identité que je vais leur apporter par une somme de détails subtils. Ils n’ont pas de couleur, de classe sociale, de genre, ils sont à la fois libres et victimes de ma plume, c’est à chacun·e d’interpréter ensuite et d’imaginer l’histoire de ce personnage en fonction du contexte, de ses expressions, des accessoires qu’il porte.
Tu essaies de faire passer un message à travers tes illustrations ?
C’est toujours plus parlant de faire passer un message, mais ce n’est pas toujours une volonté de ma part. Il m’arrive d’avoir juste envie de dessiner un univers dans lequel je me sens bien, un peu comme si je construisais les propres pierres de mon château imaginaire. J’aime aussi cacher des petits détails qui mènerons les curieux(ses) au questionnement, s’inventer une histoire à partir d’une image et laisser libre cours à l’imagination ainsi qu’à l’interprétation.
C’est quoi tes films ou séries préférés ?
Ça c’est une question très difficile pour moi, j’aime beaucoup trop de films et de séries pour devoir faire un choix ! Je suis de la génération des Goonies, et ceux-là m’ont vraiment vendu du rêve. Tout petit j’étais déjà attiré par les aventures d’Indiana Jones, les films d’heroic fantasy comme Legend, Willow, l’Histoire sans fin, etc.… Bref, tous les films qui me transportaient dans un autre univers. Ce sont des exemples de films que j’ai vu plusieurs dizaines de fois. J’ai adoré aussi les vieilles adaptations de Stephen King, téléfilms compris ! En terme de séries, mes préférées restent les classiques de l’horreur : Creepshow, Les Contes de la crypte, Master of Horror et plus récemment les Walking Dead, American Horror Story, Haunting of Hill House, Stranger Things, True Detective (saison 1)… je suis assez éclectique en matière de série, je trouve que c’est un excellent moyen de s’aérer un peu le crâne.
Et ton illustrateur favori ?
Actuellement, je dirai que John Kenn Mortensen est mon illustrateur préféré. Son expo parisienne était sublime, un rêve dans un cauchemar. D’ailleurs, je n’ai pas pu repartir les mains vides. Dans un tout autre style, Don Rosa, le dessinateur et illustrateur de La Jeunesse de Picsou m’a beaucoup fait rêver aussi, encore aujourd’hui d’ailleurs.
C’est quoi le projet artistique qui te tiendrait le plus à cœur ?
Le projet artistique qui me tiendrait le plus à cœur réside dans une globalité de choses. J’ai commencé à écrire un recueil de nouvelles étranges et fantastiques, on reste dans mon univers. Trois nouvelles sont déjà écrites, j’en ai encore trois précises en tête, mais je travaille en pointillé sur l’écriture par manque de temps, je suis assez sollicité et je ne vais sûrement pas m’en plaindre. Je suis sur plusieurs projets de maquettes de maisons en cartons 100% recyclées, genre maisons de sorcières. Les deux que j’ai faites ont beaucoup plu et j’ai pris un grand plaisir à les réaliser, je fourmille d’idées tordues pour les prochaines à venir, ça me tient à cœur. À côté de tout ça je suis sur un projet d’évolution de carrière qui pourrait changer beaucoup de choses, mais tant que ce n’est pas acté, cela reste dans le domaine du projet. À suivre…
Quelle est ta routine pour te mettre à dessiner ?
Je n’ai pas vraiment de routine pour dessiner, mais plutôt des rituels. J’aime être dans mon bureau (plus proche d’une grotte d’ailleurs) qui reflète parfaitement mon univers et me plonge dans une ambiance en totale adéquation avec ma créativité. L’odeur de la pierre, du bois, du vieux papier… les émanations d’encens froids mélangées à la cire de bougie. L’éclairage aussi, tamisé par une vieille lampe de chevet complétant la lueur des bougies. Et très important… très très important… la musique ou l’ambiance sonore. J’écoute souvent des podcasts également (« Le Bureau des Mystères », « Inspiré de faits réels », « Les Minutes de l’Horreur », « Nuit Blanche », mais aussi les lives de Sylartichot et Obscuriosity).
Hop, je retourne à mes crayons, merci de m’avoir permis de m’exprimer ici…
Un énorme merci à toi d’avoir pris le temps de nous faire découvrir ton monde !
Les dessins originaux de Blitz sont disponibles sur Etsy !

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