Avec Wrinkles the Clown (2019), Michael Beach Nichols nous offre un faux « faux documentaire » sur une figure controversée, suscitant moult émotions : celle du clown. On aurait pu s’attendre à un énième film d’horreur sur cette créature mais il n’en est rien, la piste d’une mise au point et d’une déconstruction du clown étant privilégiée par son réalisateur.
Dans Wrinkles the Clown, la figure « comique » qu’est le clown est approchée d’une manière anthropologique et sociologique, en soulignant les impacts qu’elle peut avoir sur la construction de la peur, les médias qui la transmettent et qui permettent ainsi de l’ériger comme un mythe aux frontières floues. Wrinkles est ainsi traité comme une véritable légende urbaine, rattachée même à un pan du folklore, la figure du croque-mitaine. La mise en avant des réseaux sociaux dans leur rôle de fabrication d’une figure commune comme image de la peur est savamment montrée à travers un ton léger mais qui ne perd rien de sa pertinence scientifique.

Il en résulte ainsi une œuvre solide et une nouvelle approche du clown qui apporte un vent de fraîcheur dans le paysage cinématographique horrifique. Wrinkles, c’est cette figure inconnue qui nous traumatise mais c’est également derrière le maquillage une personne banale avec des sentiments et une vie personnelle. C’est exactement cette réflexion que le film veut faire transparaître dans son propos, les codes du documentaire étant détournés pour induire en erreur son public. Séparé en deux parties, le documentaire-fiction sur Wrinkles puis l’interview avec la (vraie) personne ayant créé cette figure, Wrinkles the clown s’impose donc comme une œuvre jonglant entre les registres émotionnels et les facettes que la caméra donne à Wrinkles, le montrant sous son jour le plus inquiétant comme le plus anodin !
Si on s’attend à un pur produit horrifique, ce n’est pas Wrinkles qu’il faut regarder ! Une forme de douceur implicite parcourt tout le long-métrage tant la figure du clown est montrée dans sa simplicité et dans son intimité, entre boogeyman et idole d’une partie des adolescent·e·s, Wrinkles est l’exemple parfait pour comprendre la formation d’un symbole et la manière dont il est interprété par le public. Entre amour, peur et haine, Wrinkles the Clown nous montre ainsi que le clown continue à alimenter une peur de l’humanité, sentiment que nous n’avons jamais perdu et qui nous aide à construire une mythologie de l’effroi et un folklore « moderne » dans nos sociétés occidentales ou les croyances sont aseptisées. Ainsi le « désenchantement du monde » ne parait pas encore une théorie applicable, tant la figure montrée dans Wrinkles the Clown est la preuve que les êtres humains sont capables de réactualiser leur peur mais également leurs actions pour y faire face. De la création d’œuvres en tout genre aux performances artistiques guignolesques, ces actions s’apparentent d’ailleurs à de véritables rites de passage qui feraient ressusciter Arnold Van Gennep. Le clown, c’est donc cette figure de la peur et du rire qui nous rattache à un imaginaire collectif et qui empêche encore l’humain·e de sombrer dans une réalité sans mythe et légende beaucoup trop terre à terre.
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