Cinq personnes décident de covoiturer à bord d’un van pour se rendre en Calabre : Fabrizio, un blogueur réalisant des vidéos, Élisa, une étudiante sur le point d’avorter, Sofia une magnifique blonde auto-entrepreneuse, accompagnée de Mark son petit ami anglais et Riccardo, un médecin quadragénaire luttant pour sauver sa famille au bord de la rupture. Le voyage est bercé par des rires et des anecdotes jusqu’à la tombée de la nuit. Se rapprochant de plus en plus de leur but, une sortie de route va leur faire perdre le contrôle du véhicule, mais également de leur vie. Après avoir repris leur esprit, nos cinq protagonistes vont se trouver coupé.e.s du monde au milieu de nul part, avec comme seul repère, une petite maison en bois perdue dans la forêt, qui est en fait le siège d’une abominable secte. La descente aux enfers va alors commencer pour nos voyageur·se·s qui vont se retrouver acteurs et actrices d’un film d’horreur grandeur nature, dépourvu de tout effet spécial. Vous l’aurez donc compris, le sang qui coulera sur nos écrans sera bel bien celui d’un·e des personnages.

L’une des premières scènes correspond à un plan filmé en found footage, qui présente chacun.e d’entre iels, certainement un choix de Roberto De Feo et Paolo Strippoli afin de permettre au public de pouvoir se familiariser avec nos protagonistes. La caméra de nos réalisateurs nous plonge au cœur de l’intrigue avec des décors froids et sombres qui font penser au Giallo des années 80. Chaque mouvement, chaque ressenti des personnages nous est communiqué à travers l’écran, rendant ce film davantage captivant. Un certain oxymore se dessine quand les scènes de sacrifices sont accompagnées de comptines d’enfant (La Casa de Sergio Endrigo) ou encore de musiques enjouées (Il Cielo In Una Stanza de Gino Paoli). Un résultat qui nous pétrifie sur place lorsque les cris des victimes sont recouverts par les voix de nos chanteurs.
Ces dernières années, beaucoup de réalisateur·rice·s utilisent des films pour faire passer des messages à plus grande échelle traitant ainsi de sujet fort comme : le féminisme, mais également la société de consommation. Ces deux thématiques sont grandement évoquées dans A Classic Horror Story. En effet, dans ce long-métrage, finit les hommes qui sauvent tout le monde grâce à leurs muscles et leur sang-froid, ici, vous rencontrerez Élisa et Sofia, les deux jeunes femmes du groupe de 5 qui n’hésiteront pas à s’aventurer dans les endroits les plus angoissants de cette forêt. Au début du film, nous comprenons qu’Élisa doit avorter, un choix qui semble plus être celui de sa mère que le sien, et tout au long de l’histoire, un instinct maternel va naître en elle chamboulant tout le cours de son existence. Spoiler alerte, l’une des dernières scènes du film montre en gros plan Élisa se caressant le ventre, une scène forte signant le début d’une nouvelle vie pour elle. Autre que de placer les femmes au centre de l’attention, les réalisateurs Roberto De Feo et Paolo Strippoli critiquent la société de consommation, faut-il aller jusqu’à tuer réellement pour assouvir cette dose de violence que réclame notre société actuelle ? Nos objets connectés sont devenus le prolongement de notre corps, nous avons ce besoin continuel de tout filmer, comme en témoigne l’une des dernières scènes. Lorsqu’Élisa (Matilda Lutz) arrive couverte de sang sur la plage, le premier réflexe des personnes est de filmer la scène au lieu de lui venir en aide. Ces nouvelles technologies servant à nous rapprocher les un.e.s des autres à travers le monde entier seraient-elles en train de briser le peu d’humanité qui reste en nous ?
Au-delà de ses allures banales de film d’horreur, A Classic Horror Story nous plonge au cœur de légende d’Osso Mastrosso, et Carcagnosso, les fondateurs des plus légendaires groupes criminels organisés. Membre de la Garduña, connu pour être un groupe d’ordre militaire très respecté en Espagne au XVe siècle, les trois frères vont désobéir à l’ordre en vengeant par le sang le viol de leur sœur. Un tel acte ne pouvant être cautionné par la Garduña, Osso Mastrosso et Carcagnoso sont exilés sur l’île de Favignana qui était à l’époque sous domination espagnole. Après 30 ans de prison, nos trois prisonniers, sortent de ce lieu de torture changés à tout jamais, près à étendre à plus grande échelle leurs règles d’honneur et leur code du silence aussi connu sous le nom d’« Honorable Société ». Osso reste en Sicile pour fonder « Les Hommes Honorés de Sicile » aussi connu sous le nom de « Cosa Nostra », Mastrosso brave le détroit de Messine afin de diriger les « Hommes Honorés de la Calabre », la « N’drangheta » et pour finir Carcagnosso exploite les terres de la Campanie pour donner naissance aux « Hommes Honorés de Campanie », la « Camorra ». A Classic Horror Story est en réalité une critique de la « N’drangheta ». L’une des scènes marquantes du film se passe durant un repas auquel Élisa est conviée, assise avec les mains clouées aux accoudoirs de son fauteuil roulant. Elle se retrouve devant une table avec plein de personnes, au bout de celle-ci, se trouve la maire Locale (Cristina Donadio) qui fait aussi partie du groupe mafieux de la N’drangheta. Cette place de chef de table souvent attribuée au chef de la famille, n’a pas été choisie au hasard, en effet, ce groupe criminel se détache des autres par son côté familial, qui lui permet de gagner toujours plus de puissance. On ne rentre pas dans la N’drangheta, on y naît. Cette secte criminelle est l’une des plus respectées, chaque personne membre de ce clan mafieux remet sa liberté au chef. Une fois lancé dans cet engrenage, la seule façon d’en sortir est d’y laisser sa vie. La puissance de la mafia s’étend même jusqu’aux institutions nationales, comme en témoigne la scène lors de laquelle la maire de la ville entre dans une voiture de la police locale, un geste prouvant à Élisa, (qui pensait pouvoir demander de l’aide) que ses chances de sortir vivante de cette situation sont pratiquement réduites à néant dû à la corruption qui règne dans cette région.
A Classic Horror Story, comme son nom l’indique, commence par une histoire de film d’horreur banale basée sur des légendes urbaines et des clichés comme on a l’habitude de voir. Quelques références de différents films d’horreur semblent se cacher derrière cette œuvre, du célèbre Le Projet Blair Witch (Daniel Myrick et Eduardo Sánchez, 1999) à The Village (M. Night Shyamalan, 2004) peut-être pour cacher le fossé entre les films de genre français, allemands et espagnols qui sont à un niveau supérieur en ce qui concerne ce type de production. Malgré cela, le plot twist de la fin nous surprend tou.te.s, lorsque le film est mis en abîme, un pari osé et inattendu totalement dans l’air du temps, se détache des fins habituelles et provoque l’effet de surprise chez le·la spectateur·trice.
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