7 récits spectraux à l’écran

Ano hi mita hana no namae o bokutachi wa mada shiranai (Tatsuyuki Nagai, 2011)

Série d’animation japonaise, AnoHana (Tatsuyuki Nagai, 2011) croise une comédie adolescente school romance typiquement nippone à un drame touchant et fantastique. Animé par le studio A-1 Pictures, ce récit fantomatique conte l’histoire d’un groupe de six ami·e·s d’enfance, s’étant perdu·e·s de vue suite à la mort par noyade de leur amie Menma, une jeune fille joviale et dynamique. Une dizaine d’années plus tard, Jintan, l’ex-leader de leur groupe de potes du nom de « Super Busters Pacifique » est devenu hikikomori, il ne sort plus de chez lui et plonge dans une dépression.

Un beau jour d’été, saison liée aux festivités d’O-Bon, le jeune garçon se retrouve nez à nez avec le fantôme de Menma. Spectre errante, cette dernière ignore pourquoi elle est revenue. Elle est cependant sûre d’une chose : la réalisation d’un vœu oublié lui permettra de repartir en paix. Le jeune garçon se retrouve dans l’obligation de réunir les ancien·ne·s membres des « Super Busters Pacifique ». Il fera face à ses traumas et à ceux de son entourage, des émotions hautes en couleur explosent et colère, amour, rancœur et culpabilité se mélangent dans ce drame psychologique pourtant léger. AnoHana est une animation qui traite du deuil avec une douceur incroyable, la touche fantastique de l’œuvre ne tenant finalement qu’aux apparitions de Menma à Jintan, le conseillant, l’aidant dans la tâche qui lui est confiée.


The Changeling aka L’Enfant du diable (Peter Medak, 1980)

John Russell, professeur de piano, perd sa femme et sa fille dans un tragique accident de voiture. Quelques mois plus tard, il emménage dans une ancienne maison au passé tragique. The Changeling est un film à deux atmosphères. La première partie est véritablement ancrée dans l’épouvante avec les chuchotements, les bruits étranges, les claquements de portes… propres aux codes du sous-genre fantomatique. La seconde est plus axée sur l’enquête de John Russell pour démêler l’intrigue. Une des grandes forces de ce métrage réside dans l’interprétation de George Scott, un acteur parfait dans le rôle de cet homme abattu par une tragédie mais faisant face à ces étranges événements, mélangeant subtilement force et douceur.

Les effets horrifiques sont classiques mais la réalisation de Peter Medak les rendent véritablement angoissants grâce notamment à des mouvements de caméra fluides montrant l’intérieur de la demeure alternés avec des plans très serrés rendant ceux-ci anxiogènes. L’autre force et originalité de The Changeling est que Medak ne nous montre jamais de fantômes, tout passant par une expérience sensorielle à-travers les sons. Prenant le parti pris de ne pas trop en montrer, il insuffle de ce fait une plus grande force horrifique à son métrage. Œuvre trop peu citée car peut-être noyée au milieu des autres productions du même genre à l’époque, The Changeling en reste pas moins un moment de peur cérébrale.


Ég man þig aka Les Fantômes du passé (Óskar Thór Axelsson, 2017)

Adaptation du roman islandais du même nom de Yrsa Sigurðardóttir (2010), Les Fantômes du passé aka Ég man þig retrace l’histoire d’un père qui retrouve la piste de son fils disparu des années plus tôt. Tandis que son ex-femme continue à rechercher son enfant, Freyr, psychiatre de profession, reçoit un rapport parlant du suicide d’une femme dans une église de la région. La défunte aurait souffert de troubles psychologiques à la suite de la perte de son enfant, il y a 8 ans de cela. En parallèle, un couple, constitué de Garðar et Katrín, décide de s’installer dans une maison abandonnée à l’ouest de l’Islande, en compagnie de leur amie, Líf. Le trio se rendra rapidement compte que des événements paranormaux surviennent. La maison est bien hantée et Katrín découvre le corps d’un jeune garçon, disparu soixante ans plus tôt…

L’atmosphère glaciale et mystérieuse de ce film à énigme fantastique est véhiculée par des paysages enneigés et des lieux vides et gelés. Il n’y pas de jump scare ni de violence ensanglantée dans cette œuvre du cinéma islandais, plutôt tournée vers l’horreur psychologique, et l’investigation d’un père plongé dans le deuil. L’isolement des personnages tant psychologique que physique, une angoisse lente et lourde et cette nature morte digne des fjords possèdent un aspect terrifiant lorsque les fantômes entrent en jeu. Les spectres tiennent aussi à ce qu’on les retrouve… Trois récits de vie se rejoignent pour faire la lumière sur une affaire oubliée, un cold case à l’allure de mystère surnaturel.


La Funeraria aka The Funeral Home (Mauro Iván Ojeda, 2020)

Film d’horreur argentin, La Funeraria conte le quotidien d’une famille recomposée et dysfonctionnelle au sein de leur habitation peuplée de fantômes. Bernardo, croque-mort de profession, vit avec son épouse Estela et sa fille Irina issue d’un premier mariage, dans une vaste demeure funéraire. Bien qu’Irina a du mal à accepter cette vie surnaturelle, elle espère tout de même entrer en contact avec le fantôme de son père biologique, contre l’avis de sa mère qui lui rappellera que son père était un homme violent. Estela pense que son mari est trop fasciné par les phénomènes paranormaux ponctuant leur vie tandis que Bernado vit un rêve éveillé avec les fantômes d’une femme et d’un enfant, réalisant ainsi ses projets de petite vie de famille parfaite. Suite à la séparation d’Estela et du père d’Irina, la mère s’est rendue stérile pour éviter de vivre une expérience similaire avec son nouveau époux. Une décision que Bernado respecte mais qui le rend triste. Coincé dans des pompes funèbres hantées et des conflits familiaux explosifs, le trio sombre doucement dans une situation de plus en plus invivable  : Irina ne peut plus vivre sa passion, le ballet  ; Bernardo s’enfonce dans une chimère spectrale et Estela angoisse et s’imagine que la maison abrite un mal plus puissant par la faute de l’intérêt étrange pour l’occultisme que portait le père de son mari, Salvator, maintenant décédé. Le père de famille décide finalement de faire appel à Ramona, une médium, pour mettre au clair tout ça !

Disponible sur Freaks On, cette œuvre sud-américaine possède une atmosphère lourde que ce soit dans les rapports entre ses protagonistes ou lors des apparitions spectrales. Les difficultés de communication des vivant·e·s envers les mort·e·s, et à l’intérieur même de cette famille aux rêves brisés, dépeignent une solitude psychologique assez intense, chacun·e étant gangrené·e dans ses souvenirs douloureux, ses souffrances et ses projets échoués. Au final, ce sera la menace grandissante d’une malédiction démoniaque qui les poussera à se réunir et à lutter ensemble pour leur survie. L’acting dépressif de Luis Machin (Bernado) est particulièrement touchant et le jeu de Celeste Gerez (Estela) dans l’interprétation de ses névroses ajoutent à l’impression d’isolement psychique et d’enfermement (à l’intérieur de la maison mais aussi en soi-même). La performance d’Irina (Camila Vaccarini) dans une séquence finale incroyable se transforme en un spectacle poétique et presque surréaliste…


The Haunting of Bly House (Mike Flanagan, 2020)

Petite perle de Mike Flanagan disponible sur Netflix, The Haunting of Bly Manor est une adaptation revisitée du roman Tour d’écrou (Henry James, 1898) – déjà adapté en film sous le nom Les Innocents (1961). Bly Manor est une série dramatique dans laquelle la romance et l’horreur fusionnent en un conte gothique et surnaturel. L’œuvre retrace les mésaventures d’une jeune américaine du nom de Dani Clayton, fraîchement arrivée en Angleterre et embauchée par Lord Henry Wingrave pour prendre soin de son neveu Miles et de sa nièce Flora, isolé·e·s en pleine campagne dans le manoir familial depuis la mort de leurs parents. Bien que leur ancienne préceptrice, Miss Clayton, est décédée dans d’étranges circonstances, Dani acceptera la proposition et partagera son quotidien avec les enfants et l’équipe censée veiller sur leur bien-être. Peu à peu, la jeune femme remarque des choses étranges, et sent des regards la suivre lors de ses activités à Bly. En proie à de nombreuses angoisses qu’elle cherchait pourtant à fuir en recommençant une nouvelle vie, la préceptrice devra affronter ses fantômes et les spectres du manoir. Victoria Pedretti, qui jouait déjà dans la saison 1 de The Haunting subjugue par son acting entre fragilité écrasante, sensibilité si particulière, et férocité.

The Haunting of Bly Manor conjugue une ambiance gothique et grisâtre – sublimée grâce aux décors et à ce manoir labyrinthique et glacial – à des récits de vie profonds et chaleureux. Des histoires d’amour des différents protagonistes à leurs souffrances passées, de leur solitude présente jusqu’à l’amour dont iels sont capables pour protéger les enfants, la série use d’une narration non-linéaire à la Ju-on de Shimizu qui donne l’impression que son personnage principal est bien cette vielle bâtisse hantée. Cette temporalité intriquée déjà maitrisée à la perfection par Mike Flanagan dans The Haunting of Hill House (2018) transporte le récit de Bly Manor sur plusieurs époques, et c’est parfaitement splendide ! Qu’iel soit fantôme ou vivant·e, chaque personnage a son histoire à exposer : des spectres refusant de s’en aller et qui peuvent continuer à rester dans ce monde tandis qu’iels restent sur le domaine de Bly, une systématique remise en question de la réalité, une malédiction du passé… Autant d’éléments fantastiques qui plongent le public dans un tourbillon de questionnements. Comme à son habitude, la fascination du réalisateur face à la mort et au deuil s’exprime dans une atmosphère sinistre et calme, à la limite de la contemplation. Les victimes de Bly ne sont pas seulement les deux enfants pris·es en otage par Quint et Miss Jessel, un couple ne pouvant pas se résoudre à être séparé par la mort, mais aussi les fantômes réuni·e·s dans cette prison de briques et de terre, oubliant peu à peu qui iels sont et ce, jusqu’à errer sans but à travers le domaine.


Kaidan (Hideo Nakata, 2007)

Film d’horreur japonais appartenant à la série J-Horror Theater – avec Premonotion (Tsuruta Norio, 2004), Reincarnation (Takashi Shimizu, 2006), Retribution (Kiyoshi Kurosawa, 2007), Infection aka Kansen (Masayuki Ochiai, 2004) et Kyofu (Hiroshi Takahashi, 2010) – Kaidan nous conte l’histoire d’amour de Shinkichi, un jeune vendeur de tabac, avec Oshiga, une professeure de shamisen plus âgée. Un beau jour, le couple se dispute provoquant une blessure sur le visage de la femme. Cette égratignure s’infecte et devient mortelle, Oshiga demande alors une seule faveur à son jeune amant : être là le moment où elle rendra son dernier souffle. L’homme manque à sa promesse provoquant une terrible malédiction. Oshiga, morte seule tandis que son amant se retrouvait à l’hôtel avec une de ses jeunes apprenties dans l’art du shamisen, promet de tuer toutes les femmes à qui il vouera de l’amour.

Ce film retrace l’histoire Fantômes du marais de Kasane, une ancienne légende nippone mise en scène par Tsuruya Namboku IV (1755-1829) avec sa pièce de kabuki, maintenant remise au goût du jour par le célèbre Hideo Nakata (réalisateur de The Ring et de Dark Water qui ont connu un succès mondial notamment grâce à leurs remake américains). Un conte de malédiction et de karma puissant et horrifique qui présente la notion de tatari (malédiction) ou ju-on (mauvais œil) à travers la souffrance et la vengeance d’une femme.


Okko et les fantômes (Kitaro Kosaka, 2018)

Film d’animation japonais, Waka Okami wa Shogakusei ! ou Okko et les fantômes (Kitaro Kosaka, 2018) retrace l’histoire d’une jeune fille pleine de vie, Seki Orikon du surnom de Okko, qui devient l’apprentie aubergiste du ryôkan tenu par sa grand-mère, suite à la disparition de ses deux parents, décédé·e·s dans un accident de voiture.

Rappelant le film Hotarubi no Mori e (Takahiro Omori, 2011) dans son ambiance bon enfant, ce film, plein de bons sentiments et de joie de vivre, est une véritable ode à l’acceptation de la vie, de ses moments de joie mais aussi ses tristesses, sur un fond traditionnel japonais. On y retrouve cette jeune fille ayant la capacité de voir les fantômes, qui se retrouve du jour au lendemain obligée de grandir un peu trop rapidement. Arrivée à l’auberge, elle fera la rencontre d’Uribo, un jeune fantôme ayant été amoureux de sa grand-mère lorsqu’elle était une jeune fille téméraire. Il arrivera à convaincre Okko de poursuivre le rêve de cette dernière : aider les client·e·s de l’auberge à l’instar des onsen de la région, un « cadeau des dieux » dont la légende dit que cette source « accueille et guérit toute sorte de personnes ».


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