Braindead, la comédie gore à son paroxysme

Film culte de chez culte qui fera décoller la carrière de Peter Jackson, il fut réalisé en 1992 avec un budget de 1 800 000 dollars, trois ans après le tournage éprouvant de The Feebles (1989). Bien que portée à l’écran en 1992, il est bon à savoir que Jackson commence à écrire cette histoire de zombies depuis… 1986. Mais par deux fois, son projet sera mis de côté. Une première fois car la NZFC (New Zealand Film Commission) souhaite qu’il termine Bad Taste (1987) avant toute chose. La seconde fois, en pleine pré-production, la NZFC lui refusera une nouvelle fois le budget nécessaire. Il réalisera The Feebles, gardant sous le coude ce projet qui lui tient véritablement à cœur.

Mais que raconte Braindead ? Sur l’île de Skull Island (futur lieu pour son King Kong en 2005), une mission ramène un singe-rat à destination de Wellington. Parallèlement à ceci, nous suivons Lionel Cosgrove, un jeune homme sous l’influence castratrice de sa mère qui rencontre un jour Paquita, une jeune espagnole. Lors d’un rendez-vous galant dans un zoo, le couple sera épié par la mère de Lionel qui sera mordue par ce singe-rat, porteur d’une maladie transformant les gens en zombies. Suivra des situations où le nombre de contaminé·e·s augmentera de façon… fulgurante. Film complètement déjanté, fou, fun au possible, il possède un sens du rythme et de la mise en scène complètement maîtrisé. Au premier abord, on pense à un film décomplexé mais si on y regarde de plus près, si l’on creuse un tant soit peu, on se rend compte qu’il contient des clins d’œils, des références et surtout des thématiques vraiment intéressantes que l’on abordera un peu plus tard. Concernant le rythme, celui-ci est d’une fluidité surprenante, enchaînant les situations sérieuses avec le drôle et le burlesque dans une frénésie chronométrée à la seconde près. Le meilleur exemple reste la scène du bébé dans le parc, où les plans rendent hommage à Buster Keaton dans sa drôlerie jubilatoire. Elle en devient cartoonesque jusqu’à l’absurde mais totalement maîtrisée. Concernant les clins d’œils ou références, on pourrait citer Night of the Living Dead de George A. Romero sauf que, et là est le génie de Jackson, tout en rendant hommage, il détourne ce dernier comme par exemple la dernière partie du film dans la maison. Là où les zombies de Romero étaient une menace autour de la maison, Jackson la situe à l’intérieur. Une référence à Frankenstein aussi, dans la scène d’embaumement ubuesque avec le responsable et son assistant demeuré (d’ailleurs interprété par Jackson himself). Un dernier détail assez drôle : dans la scène où le loubard urine sur la tombe de la mère de Lionel, on voit sa date de naissance et de décès qui est 1957. Mais, quand le loubard se fait attaquer, il prononce le mot « zombie », qui, théoriquement, n’existe pas car le premier zombie, du moins mangeur de chair fraîche est apparu avec Romero en… 1968.

Le plus intéressant reste les thématiques. Deux surtout sont prépondérantes et s’intègrent intelligemment dans le film sans en dénaturer le propos. Le premier est que Jackson inverse les rôles de ses deux protagonistes principaux·ales (Lionel et Paquita). Par exemple, c’est la femme qui offre des fleurs à l’homme et plus flagrant, la femme qui drague ce dernier alors que les codes du cinéma hollywoodien, particulièrement des années 1980-1990, ont généralement admis le contraire. Cela permet de voir une autre approche qui n’est pas négligeable et avouons-le, rafraîchissante. Le second et le plus important est le thème du complexe d’Ajase. Lionel est complètement soumis par sa mère et castré par elle. Possessive, jalouse (au point de commettre un acte meurtrier), elle l’éloigne de tout par peur de le perdre. En découle une dépendance affective réciproque. Elle ayant peur de le perdre et lui culpabilisant de la laisser seule. La possession et la dépendance affective sont telles que même dans la mort, elle revient pour chercher Lionel alors qu’elle a l’occasion de dévorer d’autres gens (la scène où elle se réveille la première fois et qu’elle se rend au magasin de Paquita). Sa possessivité fait donc qu’elle se focalise sur l’endroit où se trouve son fils et ne fait pas attention au reste. La dépendance de Lionel est montrée de façon extrême car même morte-vivante, il la garde dans sa cave et prend soin d’elle.

Concernant les effets spéciaux, c’est du grand art. Ça gicle, ça charcute de partout. Mais, encore un tour de force de Jackson, il marie si bien le gore et l’humour cartoon que le résultat à l’écran ne devient pas vomitif, il n’est pas du tout écœurant et on prend plaisir à se dire qu’elle sera la prochaine trouvaille sanguinolente. Et des trouvailles, il y en a. Prêtre zombie s’accouplant avec une infirmière accouchant d’un bébé zombie, zombie se servant de ses jambes comme de béquilles, organes complets toujours en vie et ayant leur propre volonté, c’est un festival qui ne s’arrête jamais. À noter aussi le petit clin d’œil à Acmé avec un broyeur. Ce film va crescendo dans le gore jusqu’à un final apocalyptique dans lequel Lionel vivra carrément une… seconde naissance… Une scène qui, encore une fois, montre la relation malsaine mère/fils en allant dans la possession extrême. Braindead, au-delà de l’aspect gore/comique qui est sa base, aborde aussi des sujets sérieux et brasse quelques autres sous-genres (drame, histoire d’amour). Un film à voir et revoir sans modération qui restera dans les annales du cinéma de genre. Souhaitons un jour une sortie officielle…


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