Particulièrement prolifique en thrillers et en films de genre, le cinéma sud-coréen ne cesse de fasciner un public mondial. Très critique des médias, de la politique et de l’organisation de la société en générale, les artistes de Corée du Sud n’oublient pas de représenter les injustices et malédictions au féminin…
The Red Shoes (Kim Yong-gyun, 2005)

L’histoire commence ainsi : une lycéenne attend l’une de ses amies dans le métro lorsqu’elle aperçoit des chaussures roses sur le rebord du quai. Elle s’en approche quand soudain sa camarade arrive et décide de prendre les mystérieuses chaussures à talon qu’elle aurait trouvées la première. Cette dernière s’éloigne alors, les portant aux pieds, lorsqu’elle est attaquée par une ombre terrifiante qui lui sectionne les pieds. Les chaussures semblent absorber la chair et le sang qui s’en dégagent et le·la spectateur·rice est plongé·e dans le quotidien de la jeune Tae-soon, une petite fille rêvant de devenir danseuse, et de sa mère Sun-jae.
Mère de famille, travaillant et gérant les tâches ménagères ainsi que l’éducation de son enfant quasiment seule, Sun-jae rencontre des soucis de couple avec son mari désagréable qui ne cesse de la critiquer et qui la trompe durant son temps libre. Un beau jour, en revenant à la maison d’une façon inopinée, elle y découvre son mari et son amante portant l’une de ses paires de chaussures, elle décide alors de le quitter et emménage avec sa fille dans un autre appartement.
L’arrivée des deux femmes dans l’immeuble délabrée ressemble beaucoup au début du célèbre Dark Water de Hideo Nakata. Encore une fois, on y retrouve la thématique de la femme célibataire, cherchant à élever seule et avec détermination son enfant, malgré les difficultés financières. C’est alors qu’elle cherchera à ouvrir son propre cabinet d’ophtalmologie, et fera la rencontre d’un architecte désinvolte qui s’éprend rapidement de sa cliente. En proie à une profonde angoisse quant à son avenir, Sun-jae trouve alors une paire de chaussures roses dans le métro et décide de les rapporter chez elle. Elle, qui aime tant les chaussures et qui n’a plus les moyens de s’en acheter…
Ce film mêle aisément horreur, folie, drame et romance, le tout dans une fable exquise inspirée du conte éponyme de Hans Christian Andersen. Un premier film britannique Les Chaussons rouges (1948) de Michael Powell et Emeric Pressburger servira également de source d’inspiration à Kim Yong-gyun, notamment sur les origines de la malédiction qui débuterait lors de l’occupation japonais de la Corée (1905 – 1945). Ce film d’objet hanté prend comme artefact sacré une paire de talons roses, un cliché sexiste très féminin, pour le retourner, l’utiliser à des fins plus critiques. Comme dans un très grand nombre de films d’horreur, la figure de la mère célibataire luttant à en perdre haleine contre des forces obscures et vicieuses mais triomphant pour le bien-être de son enfant met en avant ce fait bien connu lors de la séparation d’un couple, c’est bien souvent la femme qui prend en charge l’enfant avec un niveau de vie en baisse tandis que l’on peut apercevoir l’homme augmenter son niveau de vie, même en payant une pension alimentaire. Ceci étant dû à la répartition inégale entre travail domestique et travail professionnel rémunéré lors de la vie maritale. Les héroïnes, souvent survivantes des films d’horreur, sont en majorité des femmes, prenant ainsi leur revanche sur l’horreur présentée mais aussi sur l’injustice d’un monde…
The Handmaiden – Mademoiselle (Park Chan-wook, 2016)

Récemment disponible sur la plateforme Shadowz, Mademoiselle se concentre sur la relation particulière entre deux femmes, Mademoiselle Hideko et sa servante Sook-hee, voleuse d’origine, engagée par un certain Comte Fujiwara qui prévoit d’épouser la riche héritière, puis de l’enfermer dans un asile pour récupérer sa fortune… Sook-hee se retrouve donc dans un monde qu’elle ne connait pas et a comme mission de pousser Hideko à se marier avec cet escroc notoire se faisant passer pour un homme de bonne famille.
Adaptation d’un roman, Du bout des doigts/Fingersmith (Sarah Waters, 2002), Mademoiselle ou The Handmaiden est un thriller psychologique et érotique de Corée du Sud qui dépeint de nombreuses souffrances subies par les deux femmes. Riches ou pauvres, elles n’échappent pas aux volontés patriarcales de leurs familles. Hideko vit avec son oncle autoritaire du nom de Kouzuki, collectionneur et vendeur de livres rares s’apparentant à de la pornographie sadique. Ce dernier utilise les charmes de sa nièce pour qu’elle fasse la lecture à une assemblée d’hommes riches et pervers qui ne voient en elle que le cobaye idéal pour mettre en pratique cette littérature si particulière…
Sook-hee, quant à elle, a été envoyée ici pour ramener de l’argent à sa famille d’escrocs, violents , n’hésitant pas à utiliser leurs propres enfants pour se faire de l’argent. La jeune servante commence à avoir des doutes sur sa mission et se rapproche de plus en plus de Hideko…
En plus d’être réalisé en 3 parties aux temporalités imbriquées entre flashbacks et changements de point de vue référent, ce film est une ode à la liberté et à l’émancipation des femmes mêlée à un amour lesbien adorable et sensuel qui met en exergue beaucoup d’injustices contre la gente féminine (hospitalisation en asile forcée, appropriation du corps de la femme par et pour des hommes, organisation patriarcale et verticale au sein de la famille). Mademoiselle a été élu Meilleur film en langue étrangère à la 71e cérémonie British Academy Film Awards.
White The Melody of The Curse (Kim Gok & Kim Sun, 2011)

Un groupe de Kpop féminin du nom de Pink Dolls est relayé au second plan par les autres groupes à la mode. La bande retrouve une vieille VHS cachée montrant un ancien groupe de Kpop inconnu interpréter une chanson particulièrement intrigante. Lorsque les filles réalisent leur nouveau titre « White« , un remake du son aux origines mystérieuses, des choses étranges commencent à se produire…
Le groupe est constitué de Je-ni, une chanteuse peu sûre d’elle avec des notes trop aiguës, d’A-rang, une chanteuse accro à la chirurgie plastique, de Shin-ji, qui ne sait pas vraiment chanter mais qui est une très bonne danseuse, et Eun-ju, l’aînée de la bande et ancienne danseuse d’appoint. Dès le début de l’intrigue, les membres ne s’entendent pas et de multiples tensions explosent. Eun-ju désespère et retrouve du réconfort auprès de son amie Soon-ye, une professeure de chant qui fait le doublage pour diverses missions (dont les notes aiguës de Je-ni sur scène).
Ce film de genre se montre finalement très critique du monde de la Kpop et particulièrement de la violence psychologique dirigée vers les idols (compétitivité malsaine, abus sexuels, etc.). Lorsque l’équipe déménage dans le nouveau local dans lequel Eun-ju fera la découverte de la vidéo, les autres membres du groupe se moquent de leur leader en rappelant que ce nouveau studio est obtenu grâce au «sponsor» d’Eun-ju, à savoir quelqu’un qui finance une idole ou un groupe à la condition qu’il reçoive des faveurs sexuelles en échange. On ressent très rapidement les pressions subies par les filles et l’horreur débute sous la forme d’une angoisse psychologique tangible avant même que les phénomènes surnaturels s’expriment.
Plus le groupe devient connu, plus les tensions deviennent fortes. Chaque membre du groupe devient rapidement jalouse des autres, et toutes souhaitent désespérément devenir la chanteuse principale. Très vite la rancune et la paranoïa prennent possession de l’ensemble du groupe et les événements paranormaux s’enchainent alors…
The Red Shoes m’interpelle ! Je connais la version magnifique de Powell et Pressburger mais je n’avais pas entendu parler de cette adaptation coréenne. Je note.
Quant à Mademoiselle, je suis déjà convaincu de la qualité de ses services, comme je l’avais souligné dans mon propre article. 😉
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Mademoiselle est une perle du cinéma asiatique 🖤 The Red Shoes est très sympa, ambiance sombre et angoissante, misère sociale et folie grandissante… Vraiment un petit côté Dark Water du côté nippon. Et puis, cette façon ce clin d’œil au conte originel dans les origines de la malédiction 😊
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Je prends note.
« Dark Water » est un grand film d’un réalisateur qui a depuis hélas beaucoup déçu.
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C’est vrai que Hideo Nakata n’a plus créé de « grands films » comme Dark Water, Ringu ou Kaidan (qui est magnifique au passage 😍) mais le dernier Sadako (2019) même s’il est vrmt peu original renoue avec son style d’origine… Au moins, le mythe continue 👻
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Je vais aller voir si Sadako est mieux coiffée alors. 😉
Merci du conseil.
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Là, tout de suite, sans crier gare, il me vient à l’esprit une œuvre éprouvante, viscérale et féroce sur la condition féminine : « Bedevilled » (aka « Blood Island »). Un slasher insulaire qui rétame le cœur et laisse totalement sur le derrière… Grand prix à Gérardmer en 2011 et « film bonus » idéal que l’on pourrait ajouter à ce top 3 de haute volée ! 😉
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Oooh merci pour cette info! Je l’ai au fin fond d’un disque dur mais j’ai jms eu l’occasion de le voir. Je vais m’y atteler au plus vite 😁
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