Réalisé par Hideo Nakata, Kaidan (2007) est un film d’horreur japonais appartenant à la série J-Horror Theater – avec Prémonotion (Tsuruta Norio, 2004), Réincarnation (Takashi Shimizu, 2006), Rétribution aka Kuime (Kiyoshi Kurosawa, 2007), Infection aka Kansen (Masayuki Ochiai, 2004) et Kyofu (Hiroshi Takahashi, 2010). Kaidan conte l’histoire d’amour de Shinkichi, un jeune vendeur de tabac, avec Oshiga, une professeure de shamisen plus âgée. Un beau jour, le couple se dispute provoquant une blessure sur le visage de la femme. Cette égratignure s’infecte et devient mortelle, Oshiga demande alors une seule faveur à son jeune amant : être là le moment où elle rendra son dernier souffle. L’homme manque à sa promesse provoquant une terrible malédiction. Oshiga, morte seule tandis que son amant se retrouvait à l’hôtel avec une de ses jeunes apprenties dans l’art du shamisen, promet de tuer toutes les femmes à qui il vouera de l’amour.

Ce film retrace l’histoire Fantômes du marais de Kasane, une ancienne légende nippone mise en scène par Tsuruya Namboku IV (1755-1829) avec sa pièce de kabuki, maintenant remise au goût du jour par le célèbre Hideo Nakata (réalisateur de Ring et de Dark Water qui ont connu un succès mondial notamment grâce à leur remake américain). Un conte de malédiction et de karma puissant et horrifique qui présente la notion de tatari (malédiction) ou ju-on (mauvais œil) à travers la souffrance et la vengeance d’une femme. Le film commence sur une dispute entre deux hommes au sujet d’une dette. Le père d’Oshiga et de sa sœur est brutalement tué par un samouraï du nom Shinzaemon qui jette le corps dans le marais de Kasane, connu pour être hanté par l’esprit d’une femme assassinée par son mari des années plus tôt. Par la suite, Shinzaemon, ayant été maudit par son opposant avant qu’il ne rende son dernier soupir, ira assassiner sa femme, laissant son enfant du nom de Shinkichi, orphelin.
Kaidan est Un film très lumineux, dont l’univers se déroule à l’époque d’Edo, qui traite des relations et des passions entre êtres humains qui se mêlent lentement mais sûrement à de l’horreur fantasmagorique : des fantômes tombant du plafond ou cachés derrière de fines parois en papier, des spectres marchant doucement sur un pont de bois, et qui prennent possessions de l’entourage du jeune homme afin de le pousser à tuer lui-même ces autres femmes qu’il a eu le malheur d’aimer.
Comme souvent dans les histoires de fantômes japonais, les esprits sont plus souvent des femmes. On se souvient bien de Sadako de The Ring, Kayako de Ju-on et surtout des fantômes défigurées Oiwa et Kasane des estampes de Utagawa Kunisada, toutes des spectres féminins aux longs cheveux noirs habillées d’une robe blanche en lambeaux. Kaidan met en avant des personnages féminines à la fois gracieuses, manipulatrices et terrifiantes, fantômes ou non, qui définissent la relation que Shinkichi peut avoir avec la gente féminine. Peu sérieux et frivole, ce vendeur de tabac souffre en réalité de la roue de son karma. Puisque chaque action apporte son lot de souffrances ou de joies, son rapport à l’amour et aux femmes se transforme vite en malédiction puisqu’il faillit à ses engagements. Oshiga semble devenir peu à peu une protagoniste servant une morale particulière dans cet ancien conte nippon. Cette malédiction remontant à bien plus loin, à l’époque du conflit opposant leurs pères, montrant que les mauvaises actions perdurent dans le temps, influencent la roue du destin, et s’apparentent à un héritage karmique transmis de génération en génération. Concept que l’on retrouve dans de nombreux contes bouddhiques ou histoires de fantômes adaptés, plus tard, en pièces de kabuki puis en films d’horreur.
Dans Kaidan, l’eau est omniprésente, tels les miroirs, les reflets et les écrans de Ring ou de Kansen, cet élément représente la frontière entre le monde des vivant·e·s et le monde invisible des esprits. Le marais de Kasane dans lequel s’entassent les victimes de la malédiction permet à l’esprit de Oshiga de gagner en puissance. Elle n’est pas la seule à hanter cette étendue d’eau. Mise en exergue lors de la séquence finale, l’eau et le marais apparaissent comme un monde à part, une brume spectrale et insaisissable, où Oshiga obtiendra enfin son dû : la tête de son jeune amant qu’elle amènera avec elle à travers le voile. C’est Osono, la propre sœur d’Oshiga, qui apportera le jeune homme avec elle dans une barque vers sa mort, ce qui marquera aussi la fin de la malédiction. Osono, seule, peut arrêter la malédiction et permettre à sa sœur d’apaiser enfin la colère qui la ronge.
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