Phenomena, un film inassimilable et mystérieux de Dario Argento

Phenomena est un film d’horreur italien de Dario Argento, réalisé en 1985. Avec Jennifer Connelly, Daria Nicolodi et Donald Pleasance dans le rôle du professeur John McGregor.

Le film raconte l’histoire d’une jeune fille Jennifer Corvino (interprétée par Jennifer Connelly), la fille d’un acteur reconnu du nom de Paul Corvino, qui est envoyée dans un pensionnat suisse. Depuis quelques temps, des jeunes filles de ce pensionnat sont brutalement assassinées. La jeune Jennifer, souffrant de somnambulisme, se retrouve lors de ses crises témoin de ces crimes. Se découvrant un don pour communiquer avec les insectes, elle se lie d’amitié avec l’entomologiste John Mcgregor, interprété par Donald Pleasance.

Dario Argento est le maître incontesté du cinéma d’horreur italien. Il est mondialement connu pour ses films Les Frissons de l’angoisse (1975) et Suspiria (1977). Mentor de bon nombre de réalisateurs de tout pays, il a créé un mythe autour des 3 Sorcières-Mères, exploité dans ses films Suspiria, Inferno et Mother of Tears. Mythe fortement inspiré par le roman de Thomas Quincey, Suspiria de Profundis (1845).

Argento arrive ici avec un film inassimilable et mystérieux. Déjà par le casting. En effet, comme il l’avait déjà fait pour ses films précédents, sa femme de l’époque, Daria Nicolodi, y tient le rôle d’une femme sournoise, accablée par une situation familiale compliquée. Un rôle saisissant que lui offre son mari, bien que peu de temps après ils ont mis fin à leur relation.

Donald Pleasance, grand acteur connu pour ses rôles dans Halloween de John Carpenter ou encore dans le James Bond « On ne vit que deux fois », tient ici le rôle d’un entomologiste (un scientifique spécialisé sur les insectes), en chaise roulante et se liant d’amitié avec la jeune protagoniste. Accompagné de son assistant, qui n’est autre qu’un singe prénommé Inga. Il faut le dire, un singe assez prodigieux. Un rôle fondamental car il permettra à l’héroïne de découvrir son don de communication avec les insectes et lui permettra ainsi d’élucider les crimes commis par le serial killer. Il se fait assassiner dans une superbe mise en scène, sous les yeux de son singe, impuissant. Mais, fort heureusement, ce dernier finira par venger son maître de manière inattendue, un rasoir à la main, trouvé dans une poubelle non loin du pensionnat.

Jennifer Connelly, quant à elle, tient le rôle principal. Celui de Jennifer Corvino, fille de la grande star du cinéma Paul Corvino, envoyée dans un pensionnat pour jeunes filles, en Suisse. Âgée à peine de 15 ans lors du tournage, il s’agit là de son second rôle en tant qu’actrice, le premier étant petit mais non négligeable, dans le cultissime Il était une fois en Amérique (1984) de Sergio Leone. Un rôle communicatif qui charme rapidement le spectateur. Déjà de par le côté ingénue de la jeune fille, caractérisé par la beauté naturelle de la jeune actrice, mais également de par sa façon d’être vêtue de robes, souvent blanches, contrastant ainsi son teint pâle, ses longs cheveux noirs et ses yeux verts. On y voit également une réelle évolution du personnage puisqu’on découvre, en même temps qu’elle, son don caché pour la communication avec les insectes. Elle y apprend également, par le biais du professeur, à contrôler ses crises de somnambulisme.

On retient également un tout petit rôle que joue l’une de ses filles, Fiore Argento (moins connue que sa sœur et actrice Asia Argento ayant joué dans certains des films de son père). Elle y interprète, au tout début du film, une jeune touriste, première victime du tueur.

Habitué à des films plus sanguinolents et déroutants, Argento nous mène ici vers un thriller onirique. Concept qu’il développe, avant tout, à travers l’esthétique du film. En effet, avec ses films Suspiria et Inferno, il a habitué son public à un jeu de couleur soutenu. Ces derniers, caractérisant son cinéma, allant du chaud au froid (rouge, rose, bleu) et accentuant ainsi la charge émotive du spectateur, en fonction de l’émotion qu’il cherche à lui transmettre. Avec Phenomena, Argento a opté pour une ambiance bien plus uniforme, en utilisant principalement la couleur blanche et noir puis en y ajoutant du bleu. Cette dernière couleur apparaît lors des crises de somnambulisme de la jeune fille. On retrouve, en second lieu et toujours en lien avec ces couleurs, un jeu de forme. Accentué notamment par les insectes, vus comme acteurs du film à la même échelle que l’humain. On peut constater que lorsque Jennifer se fait enquiquiner par ses camarades, elle fait appel à une flopée de mouches qui arrivent en masse. Au dedans, le temps semble s’arrêter (l’une des scènes mémorables de Phenomena, Jennifer se retrouve immobile, cheveux aux vents, appelant ces insectes à l’aide, en leur disant qu’elle les aime tous). Au dehors ces mêmes mouches se meuvent et créent une énorme tache noire, envahissant la façade du pensionnat.

L’auteur a choisi ici le décor suisse. Une nature à l’ambiance glaciale, ses montagnes, ses rivières, ses lacs, des immeubles et monuments gothiques. Cette nature rend terrifiante l’atmosphère. Les arbres bougent tels des monstres. Les insectes nécrophages sont de vrais résidents suisses et infestent les cadavres (pour la petite info’, ces types d’insectes sont utilisés dans la vraie vie, par les polices scientifiques afin d’élucider des crimes. Un processus qui aurait inspiré Argento pour son œuvre). Comme il l’a fait dans Inferno, Argento se plait à jouer avec la profondeur et la découverte de pièces et d’endroits camouflés. Après s’être enfuie, la protagoniste est retrouvée par Frau Bruckner alias Nicolodi, et se retrouve piégée dans cette maison, complice des meurtres. Soupçonnant quelque chose, elle cherche une issue de secours. Se jouent alors une dizaine de minutes où la jeune Corvino va découvrir des lieux insoupçonnés de cette maison algide, arrivant jusqu’à tomber sur le point culminant du film, dans un étage souterrain, où réside le fils de Bruckner, enfant difforme et se trouvant être l’assassin en complicité avec sa mère (voulant le protéger) des meurtres commis.

Pour illustrer le tout, Dario Argento a fait appel à son groupe fétiche, à savoir les Goblins menés par Claudio Simonetti (un groupe rock progressif italien, connu pour réaliser la bande-son de bon nombres de films d’horreur italiens de l’époque, et acolytes de Dario Argento). Il a, cette fois-ci, introduit certaines musiques de la scène métal de l’époque. Il contribue ainsi en mélangeant le métal à l’horreur à une combinaison magistrale. La crise de somnambulisme illustrée par le titre Flash of the Blade du groupe d’heavy metal, Iron Maiden. La scène de l’assassinat du professeur, quant à elle, est rendue épique par la chanson Locomotive de Motorhead. Bien entendu, Simonetti signe encore une fois ici une bande-son electro pop fabuleuse avec un thème principal mémorable pour les fans, grâce à voix hypnotique de Pina Magri, soprano italo-américaine.

Nul doute que Phenomena reste l’un des films le plus controversé et unique de Dario Argento. De sa confession, il s’agirait même de l’un de ses films préférés. Cependant, lors de sa sortie les critiques se veulent méprisantes, reprochant à la narration de Phenomena d’être creuse, ennuyante et trop déconcertante, sans doute l’habitude de ses précédents films qui se veulent beaucoup moins contemplatifs.

Ce qu’on peut en tirer, c’est qu’il a réalisé ici son film, sans doute, le plus abouti. La construction psychique des personnages suffisamment exploitée permet d’avoir les informations nécessaires et mystiques, permettant ainsi au spectateur de suivre l’histoire avec simplicité. Il continue, avec ce film, d’exploiter un thème récurrent dans son cinéma, celui de jeunes femmes ingénues, se retrouvant dans des situations irréelles. Dans cette œuvre, il montre à quel point ce type de jeune femme peut être une héroïne courageuse et phénoménale.


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