Kwaïdan, de l’onirisme à l’horreur

Kwaïdan (Masaki Kobayashi, 1964)

Adaptation du célèbre recueil éponyme de nouvelles fantastiques et horrifiques de Lafcadio Hearn, Kwaïdan/Kaidan est un film réalisé par Masaki Kobayashi sorti en 1964 au Japon. Composée de quatre épisodes, Les Cheveux noirs, La Femme des neiges, Hoïchi sans oreilles et Dans un bol de thé, cette œuvre met en scène des histoires de fantômes issues du folklore japonais. Kwaïdan est aussi l’un des kaidan-eiga, ces films d’horreur japonais, les plus forts de son époque, il obtint notamment le Prix spécial du jury au festival de Cannes 1965.

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Synopsis

Les Cheveux noirs

Un samouraï ayant abandonné sa femme pour chercher la richesse et une meilleure situation auprès de la fille d’une famille aisée se retrouve hanté par le souvenir de sa première femme. Il ira alors lui rendre visite dans leur ancienne maison. Lorsqu’il arriva, sa première femme, qui semblait toujours l’attendre fidèlement, se comportera de façon étrange.

La Femme des neiges

Deux bûcherons, pris dans une violente tempête de neige, trouvent un refuge pour s’y cacher. Une mystérieuse femme arrive alors et, d’un souffle glacial, transforme l’un deux en glaçon. Elle épargnera le second, pour qui elle semble vouer un amour impossible, et lui fait promettre de ne jamais raconter cette histoire à quiconque sous peine qu’elle revienne lui arracher la vie qu’elle lui avait laissée.

0.45.48

Hoïchi sans oreilles

Un jeune aveugle, ayant été élevé par des moines, s’absente chaque nuit pour suivre un mystérieux guerrier qui l’invitera à chanter, avec son luth, pour son maître, mort quelques siècles plus tôt durant la bataille de Dan-no-ura.

Dans un bol de thé

Un écrivain nous conte une histoire dans laquelle un samouraï voit flotter, dans son bol de thé, le visage d’un jeune homme. Dans le but de chasser cette vision horrifique, il avale alors le thé mais l’apparition revient, toujours avec son sourire narquois, le fixant d’un air étrange.

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D’une atmosphère singulière, ce film reflète le fantastique à la nippone, caractéristique des kaidan-eiga. Une étrangeté qui se glisse lentement de scènes en scènes jusqu’à son point culminant d’horreur et de fantasmagorie. Comme la plupart des mythes, les légendes japonaises transmettent un symbolisme, une morale et une éthique traditionnels, qui caractérisent les points forts de leur culture. Ces quatre courts-métrages sont donc des critiques des points faibles de l’Homme. Avarice, trahison, crédulité, obsession, folie, qui mèneront les protagonistes à leur perte. Le passé revient ronger les personnages, que ce soit à travers l’abandon du samouraï, la vieille promesse du bûcheron, l’arrivée du joueur de luth devant ses ancêtres ou encore par la folie de l’écrivain, montrant que l’âme humaine est prisonnière de ses actions passées, dans une roue éternelle du karma.

0.51.21

L’esthétique de cette œuvre est à couper le souffle. Son aspect théâtral inspiré du théâtre et kabuki, qui influencent fortement le cinéma japonais en général, couplé à des effets spéciaux oniriques (en particulier les toiles peintes en arrière-plan et la prédominance de certaines couleurs selon les scènes) plongent le spectateur dans un état de contemplation silencieuse à l’affût du moindre détail venant, encore, enrichir ce merveilleux tableau surréaliste. Kwaïdan s’apparente davantage à une œuvre où la beauté sert la montée, douce et insidieuse, de l’horreur. Ni jump-scare ni cri d’angoisse pour ce film poétique qui prolonge l’expérience du rêve tout en étant éveillé.e. Ce n’est ni le sang ni de la violence qui prend le spectateur aux tripes mais la tension grimpante aidée par la musique de Toru Takemitsu. On ressentira l’inévitable drame qui va toucher les personnages mis en scène. D’une certaine manière, cette œuvre rappelle Dreams/Rêves d’Akira Kurosawa tant dans la forme que dans l’esthétique, un onirisme dérangeant et contemplatif.

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