Les civilisations anciennes dans le space opera

Sous-genre de la science fiction mettant en scène de l’exploration spatiale épique généralement sur un fond géopolitique complexe, le space opera est un genre fabuleux pour qui aime rêver de voyages et de dépaysements. Bien que nous présentant une multitude de cultures très diverses qu’elles soient exotiques, merveilleuses, répugnantes ou encore terrifiantes, le space opera regorge d’archétypes sur les extraterrestres peuplant ses univers. Généralement, les cultures extraterrestres remplissent une fonction ou un rôle dans leurs écosystèmes galactiques tantôt comme allégories, d’extrapolations de traits sociétaux ou de projections humaines, tantôt par leurs interactions avec les humains et les questions qu’elles soulèvent. Mais que sont réellement ces civilisations anciennes dans les œuvres audiovisuelles du space opera ?

Une définition de ce qu’est une culture ancienne dans une œuvre de space opera pourrait être : une civilisation ayant un niveau technologique et une biologie d’une puissance technique telle – dans le sens de manipulation de l’environnement – qu’elle est perçue comme quasi-divine par le reste de la communauté galactique, à fortiori du point de vue humain. La plupart du temps, ces cultures n’interviennent non pas directement mais plutôt de manière cachée soit sous la forme d’artefacts ou de reliques soit par la manipulation d’autres cultures. On peut distinguer trois grands types de pouvoirs innés pouvant être cumulables : l’immortalité, la manipulation temporelle et la manipulation mentale et/ou culturelle.


Immortalité et transcendance

Ce n’est pas un hasard si deux des trois pouvoirs susnommés sont liés à la temporalité car il s’agit de l’une des caractéristiques les plus importantes d’une culture ancienne appartenant au domaine de la science-fiction. Tout simplement parce que si la nature quasi-divine n’est pas biologiquement innée (comme c’est le cas pour le Continuum Q de l’univers Star Trek initié par Gene Roddenberry en 1966), seul le temps permet d’acquérir un pouvoir suffisant pour devenir une civilisation ancienne. Cela explique qu’un certain nombre de ces civilisations, par exemple les Seigneurs du Temps de Doctor Who (initiée par Sydney Newman et Donald Wilson en 1963) soient immortels. L’immortalité peut être également être envisagée comme une transcendance mystique renforçant, ou légitimant, l’autorité religieuse qu’inspire ces cultures. C’est le cas des Anciens et des Oris de l’univers de la série Stargate (initiée par Brad Wright et Jonathan Glassner en 1997) mais aussi des Vorlons de Babylon 5 (Joe Michael Straczynski, 1993). Il s’agit de l’aboutissement d’une forme de recherche, non pas scientifique mais spirituelle, une vision théologique de ce que serait une sagesse absolue d’un être ayant supprimé tous ses besoins corporels et intellectuels, la fin de l’Histoire pour une culture dans laquelle le conflit et le progrès seraient devenu obsolètes, entraînant ainsi une stagnation causée par un état de pseudo-perfection.

Q de l’univers Star Trek: Next Generation initié par Gene Roddenberry


La maîtrise du temps

L’importance de la temporalité se retrouve également dans notre second pouvoir : la manipulation temporelle. Cela peut se manifester de manière innée comme pour les Prophètes de Star Trek ou les Heptapodes de Arrivals (Denis Villeneuve, 2016). Ces êtres ne sont pas soumis aux contraintes temporelles et n’envisagent pas les notions de passé, présent et futur. Ils sont ainsi présents dans toutes les époques à la fois. Leur vision de l’univers est donc perçue à la fois comme étrange voire incompréhensible pour le commun des mortels mais également comme étant intrinsèquement supérieure à celle des humains. Cela en fait encore une fois des êtres proches de notre notion du divin car ne dit-on pas que les voies du seigneur sont impénétrables ? Pour d’autres cultures, comme les Seigneurs du Temps de Doctor Who, cette capacité est venue avec le progrès technologique. Ce cas est néanmoins plus rare puisque si le point de vue adopté par le récit n’est pas celui des voyageurs temporels, ces derniers viennent alors généralement du futur (comme la Fédération du 31e siècle ou les Sphere Builders de Star Trek). Il devient alors difficile de les considérer en tant que peuples anciens. Dans tous les cas, si la maîtrise du temps n’est pas biologiquement innée, elle est perçue comme la forme de contrôle la plus absolue, le pouvoir technique ultime et donc l’aboutissement technologique d’une civilisation.

Les Heptapodes de Arrivals (Denis Villeneuve, 2016)


Manipulation mentale ou manipulation culturelle ?

Le troisième pouvoir, la manipulation mentale est une forme plus terre-à-terre de puissance technique. Néanmoins, ce pouvoir peut être considéré de plusieurs manières. Cela peut-être directement, c’est notamment le cas du pouvoir d’endoctrinement des Moissonneurs et des Leviathans dans la série de jeux vidéo Mass Effect (BioWare, 2007) ou des Anciens de l’univers de Lovecraft. Mais il peut également s’agir de manipulation culturelle, ou autrement dit, de contrôle des masses. Cette forme de domination est l’une des plus répandue pour les civilisations anciennes – elle concerne la majorité des cultures citées plus haut – puisque comme l’énonce la troisième loi de Clarke :

Toute technologie suffisamment avancée est indiscernable de la magie.

(Arthur C. Clarke, 1973)

Il n’y a donc qu’un pas entre puissance technologique et vénération religieuse, ce dont profite certaines civilisations anciennes dans le but d’imposer leurs agendas et/ou leurs visions du monde aux autres espèces. Mis en scène dans le space opera, il s’agit souvent d’une critique des religions et de la légitimité des prétendues divinités. Un bon exemple, même si ce n’est pas du space opera, est l’avatar de Zardoz envoyé par les Éternels pour contrôler les Brutes dans Zardoz (John Boorman, 1974). L’existence de la Directive Première, loi fondatrice de la Fédération des Planètes Unies dans l’univers de Star Trek stipulant une non-ingérence absolue sur les civilisations pré-spatiales a d’ailleurs précisément pour objet de se prémunir de ce genre de dérives. Néanmoins, ce point de vue critique des religions est souvent nuancé par l’existence d’un diptyque bons dieux/mauvais dieux très judéo-chrétien liée à la figure de l’ange déchu. C’est le cas des Anciens/Oris de Stargate, des Prophètes/Pah Wraith de Star Trek ou encore dans une version moins manichéenne avec les Vorlons/Ombres de Babylon 5.

Les Vorlons de Babylon 5

La civilisation ancienne est un archétype majeur du space opera. Bien que son utilisation est multiple, elle peut servir à étoffer un univers de civilisations disparues pour le remplir de mystères, de ruines à explorer et de sagesses oubliées. Elle peut également représenter un idéal, une sagesse, qui pourrait guider l’humanité et la communauté galactique vers un futur meilleur. L’utilisation de cet archétype peut aussi servir à démystifier ce qui nous paraît divins ou alors de tester l’humanité (comme pour le trickster Q dans Star Trek). Une autre grande tendance est celle de la menace cachée à la puissance implacable, danger à laquelle la communauté galactique va devoir faire face. Plus généralement, cet archétype sert de figure symbolique servant d’expérience de pensée dans le cadre de questionnements philosophiques sur l’humain, son rapport au divin, à la morale ou à son propre avenir. En effet, qui peut dire quel genre de culture ancienne sera l’humanité dans un futur lointain ?


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