7 yûrei-eiga, films de fantômes japonais

S’inspirant du théâtre traditionnel et kabuki mettant en scènes d’anciennes légendes de fantômes nippons, les yûrei-eiga (films de fantômes) sont friands de dames fantomatiques aux cheveux longs d’un noir de jais dont la rancune et la jalousie sont si puissantes qu’elles peuvent altérer la réalité et le destin des individus. Appartenant au genre plus large des kaidan-eiga (films d’horreur nippons et le domaine du J-horror), les films de fantômes japonais possèdent une esthétique lente et un folklore singulier…


La saga Ju-on (initiée par Takashi Shimizu)

Cette série de films reprend le thème très répandu de la maison hantée et de l’onryo (esprit vengeur) dont la malédiction (tatari) se caractérise par une colère impossible à apaiser qui continuera son chemin de dévastation jusqu’à la mort de tou·e·s ceux et celles avec qui elle est entrée en contact. Puisant son univers dans deux courts-métrages réalisés par Takashi Shimizu lors de ses études : 4444444444 (1998) et Katasumi (1998), l’histoire originelle de Ju-on met en scène le meurtre d’une mère, Kayako, et de son fils, Toshio par un père colérique. Cette spirale de haine et de violence nourrira la future malédiction piégeant ainsi Kayako, Toshio et son chat dans un état de rancune inépuisable.

En plus d’offrir une ambiance angoissante et un folklore typiquement nippon au public, ce yûrei-eiga est séparé en plusieurs chapitres (dont la temporalité est, au départ, relativement floue) pour nous faire suivre l’histoire des différents individus ayant un lien direct ou indirect avec la maison hantée (lycéennes venues à la recherche de sensations fortes, agent immobilier, assistante sociale, etc.), ce qui permet de reconstituer petit à petit le drame et la contamination au fil des visites par le tatari. Le même schéma apparaît dans les autres films de la saga dont Ju-on 2 (2000), Ju-on : The Grudge (2002). Takashi Shimizu, inspiré par l’horreur de Kiyoshi Kurosawa lors de ses études à l’école de cinéma de Tokyo, deviendra l’un des maîtres de l’horreur à la nippone, ce qui lui permettra d’étendre son univers à l’Occident via ses remakes américains : The Grudge (2004), The Grudge 2 (2006) et The Grudge 3 (avec Toby Wilkins, 2009). Trois autres films, Ju-on : Kuroi shôjo (Mari Asato, 2009), Ju-on : Shiroi shôjo (Ryûta Miyake, 2009) et Ju-on : The Beginning of the End (Masayuki Ochiai, 2014) viennent enrichir cet univers en apportant des apparitions fantomatiques entre jump scare et horreur lente ainsi que des éléments du background de l’histoire de Toshio et de sa mère, Kayako.

Un dernier film, Sadako vs. Kayako (Kôji Shiraishi, 2016), marquera la rencontre des deux esprits vengeurs les plus connus du Japon, Kayako, la mère de Toshio, avec Sadako, la protagoniste principale de la saga Ring d’Hideo Nakata. Puis, la série Netflix Ju-On: Origins viendra couronner le tout en tant que digne héritière de Takashi Shimizu.


La saga Ring (initiée par Hideo Nakata)

Adaptation du roman Ringu de Koji Suzuki (1991), Ring (1998) nous conte l’histoire d’une cassette vidéo maudite qui provoque l’apparition d’un fantôme du nom de Sadako et la mort du spectateur. Ce thème sera également repris dans les autres films de la saga : Ring 2 (1999), Ring Ø : Birthday (Norio Tsuruta, 2000), Rasen (Jôji Iida, 1998), Ring Virus (Kim Dong-bin, 1999) et les remakes internationaux : Le Cercle (Gore Verbinski, 2002), Le Cercle 2 (Hideo Nakata, 2005) et Le Cercle : Rings (Javier Gutiérrez, 2017) et enfin Sadako (Nakata, 2019) pour un retour aux sources.

Le début de l’histoire de cette saga culte met en scène deux lycéennes, Tomoko et Masami, ayant eu vent d’une étrange rumeur : une VHS qui, une fois visionnée, provoque une sonnerie téléphonique annonçant sa propre mort. Amusées par cette légende urbaine, les deux jeunes filles se lancent dans cette aventure funeste… Une histoire de film maudit qui contamine peu à peu les protagonistes de The Ring mais aussi son public !


Rétribution – Sakebi (Kiyoshi Kurosawa, 2006)

Entre les nombreux chefs-d’œuvre de Kiyoshi Kurosawa tels que Kaïro (2001) – qui atteignit l’Occident via son remake américain Pulse (Jim Sonzero, 2006) – ou encore Charisma (1999), on trouve ce yûrei-eiga contemplatif qui nous conte l’histoire de l’inspecteur Yoshioka enquêtant sur une série de meurtres étranges dont les victimes, noyées, sont découvertes le corps rempli d’eau salée… Sakebi se révèle être une œuvre mêlant enquête policière, amour, mystère surnaturel et drame fantasmagorique dans laquelle le destin et la mort s’entremêlent au sein d’une horreur douce et inévitable. Qui est la mystérieuse dame en rouge ? Et que se cache-t-il derrière ces morts inexpliquées ?

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Kaidan (Hideo Nakata, 2007)

Ce film d’horreur japonais appartenant à la série J-Horror Theater – avec Prémonotion (Tsuruta Norio, 2004), Reincarnation (Takashi Shimizu, 2006), Rétribution (Kiyoshi Kurosawa, 2007), Infection aka Kansen (Masayuki Ochiai, 2004) et Kyofu (Hiroshi Takahashi, 2010), Kaidan conte l’histoire d’amour de Shinkichi, un jeune vendeur de tabac, avec Oshiga, une professeure de shamisen plus âgée. Un beau jour, le couple se dispute provoquant une blessure sur le visage de la femme. Cette égratignure s’infecte et devient mortelle, Oshiga demande alors une seule faveur à son jeune amant : être là le moment où elle rendra son dernier souffle. L’homme manque à sa promesse provoquant une terrible malédiction. Oshiga, morte seule tandis que son amant se retrouvait à l’hôtel avec une de ses jeunes apprenties dans l’art du shamisen, promet de tuer toutes les femmes à qui il vouera de l’amour.

Ce film retrace l’histoire Fantômes du marais de Kasane, une ancienne légende nippone mise en scène par Tsuruya Namboku IV (1755-1829) avec sa pièce de kabuki, maintenant remise au goût du jour par le célèbre Hideo Nakata (réalisateur de Ring et de Dark Water qui ont connu un succès mondial notamment grâce à leurs remake américains). Un conte de malédiction et de karma puissant et horrifique qui présente la notion de tatari (malédiction) ou ju-on (mauvais œil) à travers la souffrance et la vengeance d’une femme.


Exte: Hair Extensions (Sion Sono, 2007)

Réalisé par Sion Sono, Exte (2007) est un film d’horreur japonais, un yûrei-eiga, mettant en scène des cheveux maléfiques prêts à exterminer tout sur leur passage. Humour, me diriez-vous ? Ce film se veut très sérieux. Connaissant l’amour nippon pour les yûrei, ces fantômes souvent féminins vêtues de blanc au long cheveux d’un noir de jais, Exte nous conte la malédiction d’une jeune femme enlevée et sauvagement assassinée par des trafiquants d’organes. Ses reins, son œil droit et ses cheveux ayant été vendus au marché noir, son esprit ne peut plus trouver la paix. Emplie d’une terrible envie de vengeance, ses cheveux continueront à pousser, même après sa mort, jusqu’à devenir l’arme fatale d’une terrible malédiction… Le film commence dans un port, des contrôleurs de containers alertés par une odeur nauséabonde trouvent un box rempli de cheveux noirs, et dans lequel ils retrouvent un cadavre de femme. Aussitôt envoyée chez le croque-mort, un homme un peu décalé ayant une véritable passion érotique pour les cheveux de ses « patientes », la jeune morte deviendra pour lui une véritable divinité. Une admiration si forte qui le pousse à enlever le corps et lui créer un petit monde à elle dans sa propre demeure. Les cheveux maudits qui poussent sans cesse sur le crâne de ce cadavre seront alors coupés et offerts à divers salons de coiffure par l’étrange Monsieur Yamazaki.


Dark Water (Hideo Nakata, 2002) 

Tiré de la nouvelle éponyme (1996) de Koji Suzuki, également écrivain du roman The Ring, Dark Water est un film d’horreur japonais mettant en scène l’arrivée de Yoshimi Matsubara et de sa fille, Ikuko, dans un vieil immeuble délabré. Réalisé par Hideo Nakata, célèbre pour son adaptation de The Ring et Kaidan, le film transpire de cette passion lugubre pour les légendes de fantômes (yûrei) et les créatures/phénomènes surnaturelles (yôkai), de son pays. Ils transparaissent magnifiquement à l’écran grâce au style particulier de Nakata. Contemplatif et sombre, Dark Water nous transporte dans une vie de famille compliquée, la charge mentale d’une mère en pleine procédure de divorce, prête à tout pour faire survivre sa famille et préserver la garde de son enfant. Les traumatismes d’Ikuko face à ce drame et ce changement brusque d’environnement vont lui poser quelques soucis d’adaptations dans sa nouvelle école. Elle se retrouvera également seule lorsque sa mère, une battante luttant contre les coups bas de son mari, part travailler après des années passées en tant que mère au foyer dans une culture de travail particulièrement exigeante. Les deux femmes vont rapidement se retrouver au milieu de phénomènes paranormaux plus étranges les uns que les autres. Les mystérieuses tâches d’humidité au plafond, l’écoulement trouble de l’eau du robinet ainsi que de nombreux bruits indéfinissables vont d’abord faire penser que leur nouvelle habitation est moins salubre et décente qu’on leur a fait croire. Puis, une mystérieuse ombre commence à jouer avec Ikuko et une énigmatique petite fille fait son apparition dans les couloirs… Un remake américain du même nom réalisé par Walter Salles en 2005 avec Jennifer Connelly dans le rôle de la mère a élargi la diffusion de cette sordide histoire que le public occidental a pu découvrir plus aisément.


Over Your Dead Body aka Kuime (Takashi Miike, 2014)

Magnifique adaptation de la légende d’Oiwa et de la pièce de théâtre kabuki, Yotsuya Kaidan (Tsuruya Namboku IV, 1825) retraçant l’histoire d’amour d’Oiwa et de Iemon ainsi que la terrible vengeance du spectre d’Oiwa, Over Your Dead Body (Kuime) est un film fantastique/horreur réalisé par Takashi Miike et sorti en 2014. Deux comédien·ne·s et amant·e·s, Kosuke et Miyuki, doivent interpréter sur les planches, la pièce Le Fantôme de Yotsuya. Le voile séparant la fiction et la réalité se disperse alors et tandis qu’iels confondent leurs visions et le quotidien de la mise en scène, d’étranges meurtres se multiplient en coulisse… Takashi Miike nous offre ici un film hautement esthétique, reprenant les codes du théâtre kabuki, qui fera monter, plus que l’angoisse, la fréquence des illusions et des hallucinations jusqu’au point où le public ne sait plus dans quelles sphères ont lieu l’action. Une mise en abyme entre le réel et la scène nous est présentée à travers notre écran. Un déroulement de l’action typiquement nippon puisque les apparitions fantomatiques sont rarement directes dans le J-horror mais davantage suggérées. Elle demeurent insidieuses, et voguent entre le rêve et l’illusion par l’intermédiaire d’un élément ou objet conducteur qui permet aux deux mondes de se rapprocher (la maison de Kayako dans Ju-On, la VHS de Sadako dans Ring, l’eau dans Dark Water ou encore les miroirs dans un bon nombre d’adaptations cinématographiques). Dans Over Your Dead Boby, la scène est l’élément qui mélange les deux mondes, celui des yûrei et des yôkai avec le quotidien stressant des membres de la troupe contemporaine qui jouent une pièce filmée, celle que le public admire.


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